La Craie du Crétacé

(Extrait de l’atlas des Aquifères & Eaux souterraines en France)

Les formations crayeuses sont présentes dans la majeure partie (90 %) de la région Nord-Pas de Calais. Elles ne sont absentes qu’aux deux extrémités Ouest et Est (Bas Boulonnais et Avesnois) où affleurent les terrains sous-jacents.

La craie n’affleure cependant que sur un peu plus de la moitié de la surface des deux départements du Nord et du Pas-de-Calais, puisqu’elle s’enfonce vers le nord-nord-est sous de puissants dépôts cénozoïques (Flandres et bassin d’Orchies) depuis la mer du Nord jusqu’au Basin du Hainaut en passant par le Valenciennois, perdant son caractère aquifère  .

Majoritairement libre, elle devient captive sous les dépôts holocènes de la plaine littorale occidentale (Bas Champs) et surtout sous le Tertiaire du bassin d’Orchies (sud-est de Lille) et de la bordure des Flandres (de Calais à Lille) où elle est encore localement artésienne. Elle constitue largement la première ressource en eau potable de la région.

Faciès de la craie

En raison des variations de faciès du Crétacé supérieur et de la structure régionale, le réservoir crayeux n’est pas partout le même et n’est pas non plus unique.

En périphérie de la « boutonnière » du Boulonnais, l’aquifère   est épais et continu du Cénomanien moyen à supérieur au Sénonien, malgré la présence d’intercalations marneuses, mais la nappe est principalement contenue dans la craie cénomanienne, en raison du relèvement anticlinal. La continuité hydraulique entre les assises du Turonien (supérieur et moyen) et celles du Cénomanien est prouvée par traçages.

Plus au sud-est (secteur de Fruges), le Cénomanien supérieur encore crayeux et aquifère   contient une nappe captive ou semi-captive sous couverture devenue peu perméable du Turonien inférieur, tandis que la craie du Turonien supérieur commence à se gorger d’une nappe libre. Plus à l’est, le Cénomanien devenu plus marneux ne renferme pratiquement plus de nappe exploitable.

La craie du Turonien supérieur-Sénonien contient une nappe libre quasi continue dans la plaine d’Arras, le Béthunois, la région de Lens à Lille, le Douaisis et le Cambrésis jusqu’au Valenciennois.

Sous couverture, au cœur du bassin des Flandres, la craie n’est pratiquement plus aquifère  . Par contre, bien que captive, la nappe de la craie reste encore bien productive dans le bassin d’Orchies, même sous plus de 50 m de couverture.

Même s’il existe des secteurs où s’individualise une nappe captive cénomanienne (Haut Artois), la nappe de la craie est le plus souvent considérée comme unique à l’échelle régionale, quel que soit le réservoir crayeux concerné (Cénomanien, Turonien moyen, Turonien supérieur-Sénonien).

Caractéristiques hydrodynamiques et hydrodispersives

La perméabilité matricielle de la craie, même la plus pure, reste faible (10-8 à 10-9 m/s). Plus aquiclude qu’aquifère  , la craie devient aquifère   grâce au développement de la fissuration avec des ouvertures et une connectivité suffisantes pour permettre un écoulement gravitaire, mais aussi à la faveur de joints de stratification plus ou moins ouverts. Il en résulte une variabilité très importante de la perméabilité tant verticalement qu’horizontalement (selon des directions souvent combinées de la fracturation) : le milieu crayeux est en réalité hydrauliquement hétérogène.

La distribution verticale des perméabilités, qui n’est guère connue qu’à la faveur d’essais ponctuels ou de travaux souterrains (tunnel sous la Manche, métro lillois, entre autres), se révèle très hétérogène :

  • Dans la craie cénomanienne de Sangatte (entrée du tunnel sous la Manche), les perméabilités croissent de bas en haut (de l’ordre de 5.10-6 jusqu’à 10-4 m/s). Dans le Pays de Licques, elles varient de 10-5 à 10-3 m/s, avec quelques passages décimétriques à 10-2 m/s.
  • Dans la craie du Turonien supérieur-Sénonien du secteur du tunnel sous la Manche, les perméabilités s’échelonnent de moins de 10-8 m/s jusqu’à 1,7.10-2 m/s. Leur répartition verticale est liée au recoupement de fractures ou de joints de stratification ouverts ; ainsi, à mi-distance entre Calais et Sangatte, dans la craie sénonienne confinée sous la couverture flandrienne, les plus fortes perméabilités (3.10-4 et 8.10-4 m/s) sont respectivement situées à 57-58 m, puis 77-78 m de profondeur mais séparées par une zone à 1,5.10-6 m/s.

La répartition horizontale des perméabilités est souvent corrélable avec les caractéristiques géomorphologiques de la région, les zones les plus perméables correspondant généralement aux axes de drainage, eux-mêmes souvent liés au développement directionnel de la fracturation (vallées sèches et vallées humides sous alluvions). Régionalement, la bordure du recouvrement tertiaire des Flandres reste la zone où les plus fortes perméabilités sont mises à profit pour l’exploitation de la nappe de la craie.

La transmissivité et surtout le débit spécifique (plus souvent déduit des traditionnels pompages d’essai par paliers), sont connus pour de nombreux ouvrages d’exploitation. Bien que distribuées de façon non uniforme à travers la région, les valeurs ponctuelles (près de 700 prises en compte) de transmissivité (et de débit spécifique) des aquifères crayeux du Nord-Pas de Calais, se rangent dans une fourchette de 1,5.10-5 à 0,28 m2/s avec une moyenne de 1,3.10-2 m2/s, selon la répartition suivante :

Transmissivité supérieure à (en m2/s)Ouvrages concernés en Nord-Pas-de-Calais (en %)
0.1 1,6
0,05 5
0,01 31,6
5.10-3 48
10-3 85,5

Les valeurs de transmissivité supérieures ou égales à 1.10-2 m2/s se rencontrent :

  • En pied du flanc nord de l’anticlinal de l’Artois, de part et d’autre de la limite du recouvrement quaternaire marin (secteur de Sangatte-Calais) puis du recouvrement tertiaire des Flandres, tant en nappe encore libre que lorsqu’elle devient captive sous faible recouvrement. Une telle zone s’étend au sud-ouest d’une ligne Calais-St Omer-Lillers-Béthune-La Bassée, d’abord étroite (de l’ordre de 1 à 2 km entre Sangatte et Guînes) puis s’élargissant vers le sud-est où elle atteint 4 à 5 km de large.
  • Dans la plupart des basses vallées avant recouvrement tertiaire.
  • Dans les vallées drainant fortement la Craie, avec ou sans dépôt alluvial épais.
  • Dans le Bassin minier à proximité du bassin d’Orchies, de Carvin à Douai.
  • En quelques points de la plaine littorale occidentale, en nappe captive sous une couverture quaternaire.

Les valeurs les plus élevées se rencontrent surtout dans les vallées humides, sous des alluvions réalimentant la nappe de la craie turo-sénonienne, notamment à Quiery-La-Motte (2,8.10-1 m2/s) dans la vallée de l’Escrebieux et près d’Arras (2,5.10-1 m2/s) dans la vallée de la Scarpe.

Si la transmissivité est généralement très élevée (T > ou = 1.10-2 m2/s) lors du passage de l’aquifère   crayeux sous la couverture tertiaire des Flandres, et le reste encore en nappe captive à moins de 5 km de la limite d’affleurement, ses valeurs chutent très vite quand la craie plonge sous le Tertiaire (Audruicq : 5.10-5 m2/s ; Estaires : 1,5.10-5 m2/s ; Armentières : 5.10-4 m2/s).

Dans la craie sub-affleurante des plateaux, la transmissivité reste généralement médiocre (10-4 < T < 10-5 m2/s), pouvant néanmoins dépasser 1.10-3 m2/s dans les vallons secs.

Le coefficient d’emmagasinement est moins bien connu régionalement. En nappe libre, il s’agit de la porosité efficace dont la valeur moyenne est de 2 % (sur 38 valeurs), avec quelques valeurs exceptionnelles atteignant voire même dépassant 10 %. En nappe captive le coefficient d’emmagasinement reste le plus souvent de l’ordre de 10-4 (1 à 7.10-4).

A Béthune, une trentaine de traçages a été réalisée (de 1979 à 1987) en pompage dans la nappe semi-captive de la craie (sous 18,6 m de Landénien) suivant quatre directions et des distances de 10 à 27 m. Les valeurs brutes de dispersivité longitudinale s’échelonnent entre 0,2 et 5 m (moyenne : 2,7 m), tandis que la porosité cinématique varie de 1,1 à 5,7 % (moyenne : 3,3 %). En modèle convergent multicouche, avec échanges verticaux et diffusion dans la matrice, les valeurs moyennes de dispersivité longitudinale et de porosité cinématique sont respectivement de 0,52 m et 2 %.

A Sangatte, un multitraçage réalisé en 1988 sur le nouveau captage a été interprété en tenant compte de la superposition de l’écoulement convergent (pompage) et de l’écoulement naturel. Les valeurs obtenues pour une distance de 39 m sont :

  • Dispersivité longitudinale : 9,7 m,
  • Dispersivité transversale : 2 m,
  • Porosité cinématique : 3,4 %.

Relations avec les autres aquifères

Les échanges par drainance entre la nappe des sables landéniens et la craie sont facilités par le caractère souvent finement sableux ou tuffacé de l’Argile de Louvil. Sur la majeure partie de la bordure méridionale des Flandres, la mise en charge de la nappe de la craie permet ainsi une alimentation par drainance ascendante de la nappe des sables « landéniens » à travers l’Argile de Louvil semi-perméable, mais les nombreux pompages inversent souvent les échanges.

Plus à l’intérieur du bassin des Flandres, l’aquifère   crayeux peut aussi être réalimenté par la nappe, également captive, des sables landéniens, à la faveur de failles dont le rejet peut localement dépasser l’épaisseur des Argiles de Louvil avec, pour conséquence, une forte minéralisation des eaux de la craie (cas de Laventie à 15 km au Nord-Est de Béthune où le niveau piézométrique   est supérieur d’une dizaine de mètres dans les sables par rapport à la craie).

En outre, en situation perchée et en limite d’affleurement, la nappe des sables landéniens peut se déverser dans la craie. Généralement modeste, ce type d’échange a été pris en compte dans certaines modélisations (52 l/s dans le Sud du Douaisis). Sur la bordure méridionale des Flandres, en limite de recouvrement par les Argiles de Louvil, il existe par contre quelques débordements de la nappe de la craie qui se traduisent par des sources et des cours d’eau qui, à leur tour peuvent alimenter, un peu plus à l’aval, les sables tertiaires.

Les alluvions peuvent également alimenter la nappe de la craie par drainance descendante, en particulier dans les champs captants du Sud de Lille où les alluvions de la Deûle contribuent ainsi à 53 % des prélèvements, avec une réalimentation de 949 l/s. Les alluvions de l’Escrebieux et de la Scarpe (en amont de Douai) fournissent (avec les sables landéniens) un apport estimé à 161 l/s ou 10 l.s-1.km-2. Enfin, à l’aval de Valenciennes, les alluvions de l’Escaut apportent par drainance quelque 156 l/s à la nappe de la craie ; cette drainance est bien mise en évidence à Fresnes-sur-Escaut où les niveaux piézométriques des deux nappes (différents de 1 à 2,5 m) fluctuent de manière similaire ; elle a localement pour conséquence la pollution des eaux captées dans la craie.

Une drainance descendante peut également se produire à partir de la nappe des dunes littorales qui recouvrent les formations flandriennes peu perméables des Bas Champs qui, à leur tour, confinent la craie. Cette réalimentation se traduit par un dôme piézométrique   dans la nappe de la craie, entre les baies de Canche et d’Authie.

Les Calcaires carbonifères sont également soumis à des échanges avec la craie, dans deux secteurs :

  • à Saint-Amand, dans l’Est du bassin d’Orchies, où des eaux artésiennes, chaudes et fortement sulfatées remontent des calcaires mississipiens et minéralisent localement la nappe de la craie (les eaux minérales sont en grande partie prélevées dans la craie) ; dans un secteur restreint où l’épaisseur des « dièves » est réduite à quelques mètres (alimentation par drainance ascendante et par failles),
  • dans la région de Lille-Tourcoing-Tournai, c’est au contraire la nappe de la craie qui recharge les Calcaires carbonifères séparés que par quelques dizaines de mètres de marnes crayeuses turoniennes, par ailleurs faillées. La réalimentation, accentuée par la surexploitation de la nappe des Calcaires carbonifères, était estimée à 36,61.million m3 en 1973.

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