Piézométrie de la nappe de la craie
Écoulement général
Concernant le sens d’écoulement de la nappe, la région est traversée du nord-ouest vers le sud-est par une ligne principale de partage des eaux souterraines, partant de l’extrémité orientale de la « boutonnière » du Boulonnais, et après un décrochement d’une dizaine de kilomètres vers le sud, à l’est de Saint-Pol (interfluve Ternoise-Scarpe), se poursuivant par les environs de Bapaume, passant ensuite entre Cambrai et Saint-Quentin. On peut arbitrairement diviser la région en deux à partir du méridien d’Arras :
- à l’ouest, dans le Haut et le Moyen Artois, pays de collines au relief relativement prononcé, les isopièzes sont serrées (gradients hydrauliques de 0,5 % à 4 %), avec des écoulements assez étroitement liés au relief et aux vallées généralement drainantes tant que la nappe est libre,
- à l’est, dans un pays plutôt tabulaire, correspondant approximativement au bassin de la Scarpe et de l’Escaut, la piézométrie devient plus lâche (gradients de 0,5 % à 1,25 %) et les écoulements moins tributaires du système hydrographique.
Dans le secteur occidental, l’axe principal de partage des eaux souterraines coïncide avec les altitudes les plus élevées de l’Artois. Les cotes piézométriques y sont supérieures à +100 m, le dôme piézométrique s’abaisse ensuite rapidement en direction d’Arras où il fait place à la dépression de la vallée de la Scarpe, mais se prolonge dans sa partie sud, après le décalage de Saint-Pol, avec des cotes encore supérieures à +100 m au Sud de Bapaume.
Le versant nord du dôme piézométrique principal de l’Artois est modelé par les hautes vallées drainantes de la Hem, de l’Aa et de la Lys.
Le versant sud du dôme piézométrique de l’Artois, nettement plus étendu que celui du nord, est profondément marqué par les vallées fortement drainantes et parallèles de la Canche et de l’Authie, orientées N 120° et séparées par une étroite crête piézométrique rectiligne.
Plus à l’est, dans la plaine d’Arras et le Cambrésis, l’écoulement est globalement dirigé vers le nord, converge vers le bassin d’Orchies où la nappe devient captive sous les formations tertiaires. On observe une vaste zone relativement déprimée au nord de Douai, au niveau du bassin d’Orchies jusque vers Saint Amand les Eaux. L’absence de prélèvements importants dans ce secteur donne à penser que cet abaissement piézométrique serait lié à une mauvaise perméabilité et une mauvaise alimentation de l’aquifère de la craie qui se trouve en position captive sous les formations argileuses du Tertiaire.
A l’axe anticlinal du Mélantois, qui sépare les bassins des Flandres et d’Orchies, correspond aussi un dôme piézométrique .
Vers Le Cateau et vers l’est (approche de la remontée du socle paléozoïque de l’Avesnois), l’écoulement souterrain est dirigé vers le nord-ouest, avec des gradients plus accentués (1 à 2 %) et un rôle drainant marqué du Haut Escaut et ses affluents de rive droite.
Nature hydraulique des failles
Au sud-est de la haute vallée de la Lys, la piézométrie est fortement influencée par la série de failles longitudinales du horst de l’Artois qui peuvent engendrer des décalages de plusieurs dizaines de mètres par suite du compartimentage de l’aquifère (cf. figure ci-dessous).
On peut considérer les failles suivantes comme quasiment étanches, sur au moins une partie de leur tracé :
- Faille de Marqueffles : au sud-ouest de cette faille, la craie aquifère a été érodée et elle est donc moins épaisse et moins productive. Les écoulements bloqués vers le nord créent des sources de débordement dans la vallée de la Scarpe. Les courbes piézométriques sont nettement déviées dans sa partie sud.
- Faille de Ruitz : on observe le même comportement qu’autour de la faille de Marqueffles, avec en plus une fracturation secondaire sud-ouest/nord-est augmentant localement la productivité dans les vallées.
- Faille de Pernes : au sud de la faille, les formations aquifères sont érodées (épaisseur de quelques mètres). Plus au sud, la nappe est drainée par la Canche.
- Le « groupe de failles », au nord-ouest, est plutôt drainant et augmente localement la transmissivité ce qui peut favoriser l’artésianisme en aval.
Les autres failles ne semblent pas avoir d’influence significative sur les écoulements dans la nappe de la craie. Ce sont les failles de Seclin, d’Haubourdin et de Bailleul.
La carte ci-dessous illustre la position des failles, où l’on peut appliquer les hypothèses hydrauliques précédentes, le drainage marqué de nappe par la Scarpe au sud de la faille de Marqueffles, le drainage de la nappe par la Ternoise (bassin de la Canche) au sud de la faille de Pernes.
- Carte présentant l’influence hydraulique des failles en Nord-Pas de Calais (Piézométrie de mai 2009)
- Isopièzes en orange, cours d’eau en bleu / Source : BRGM
Campagnes de 2009
Deux campagnes de mesures piézométriques ont été réalisées en 2009 durant les hautes puis les basses eaux. Elles font l’objet du rapport RP- 58542-FR [1] dont les principaux résultats sont repris ci-dessous.
Un total de 223 points a été mesuré fin avril/début mai pour la campagne des hautes eaux ; 362 points ont été mesurés fin septembre/début octobre pour la campagne des basses eaux (points représentés par des étoiles sur les cartes ci-dessous).
L’analyse des cartes piézométriques issues des campagnes hautes eaux et basses eaux 2009 (figures ci-dessous, représentant les isopièzes en mètres N.G.F.) indique que la nappe de la craie :
- « épouse » d’une manière générale la morphologie de la topographie naturelle des terrains traversés, en particulier dans les secteurs où les reliefs sont bien marqués (collines d’Artois notamment, bordures de l’Avesnois notamment),
- se trouve « drainée » par les vallons et vallées sèches sous l’effet d’une meilleure perméabilité du réservoir généralement liée à une fissuration et fracturation secondaire,
- subit des modifications de ses écoulements à l’approche des principaux champs captant de la région (notamment ceux implantés au sud Lille : Les Ansereuilles à Wavrin, Don Sainghin, Houplin Ancoisne),
- conserve une même configuration d’écoulement entre les périodes de hautes et basses eaux, ces deux périodes étant toutefois marquées par des isopièzes pouvant se décaler spatialement avec des dômes et des dépressions d’extensions variables.
Piézométrie de 2001
Une campagne piézométrique de très « hautes eaux » de la nappe libre de la craie a été réalisée au printemps 2001 sur l’ensemble du bassin Artois-Picardie [2]. Il souligne le caractère exceptionnel des niveaux observés, notamment en tête de la plupart des bassins versants des fleuves côtiers (la Somme en particulier) et de leurs affluents, lié au caractère non moins exceptionnel de la pluviométrie des mois d’octobre 2000 à avril 2001 dont on peut affirmer que le temps de retour dépasse les trente ans sur l’ensemble du bassin.
Les secteurs où la remontée de la nappe s’est avérée la plus forte, par rapport à la période de référence des trente à trente-cinq dernières années, se situent principalement dans la presque totalité du département de la Somme (sauf le Santerre), la région de Lille et le centre et sud-Cambrésis.
La carte obtenue met particulièrement bien en évidence les principaux axes de drainage de la nappe (grandes vallées humides), ainsi que les « crêtes piézométriques » majeures, notamment celle qui sépare les bassins côtiers de la Manche et de la Mer du Nord. Elle montre également les différences de gradients hydrauliques existant au sein de l’aquifère crayeux : forts sous les côteaux, en particulier dans le Haut-Artois et le sud de la Somme, faibles à très faibles sous les vallées (Somme) et les plaines (Douaisis, nord-Cambraisis) qui traduisent à la fois des différences de paramètres hydrauliques (transmissivité, emmagasinement) et de réalimentation (infiltration efficace).